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L'Empereur La cavalerie dans les guerres du XXme siècle  (Gérard, webmaster)
        

La reconstitution historique nous amène à nous pencher sur les derniers conflits mondiaux qui virent s'affronter des hommes et des chevaux. Au travers de mon expérience personnelle, de mes contacts avec les professionnels de l'équitation (notamment militaire) et grâce à la littérature existante, j'ai voulu faire le point sur le sujet.

Dire que vu l'apparition d'armes dites "modernes" (Blindés, mitrailleuses, avions), l'utilisation de la cavalerie était d'avance vouée à l'échec, est un raccourci un peu trop rapide.
Le problème de la cavalerie militaire est qu'elle fut mal utilisée et dans des domaines où l'utilisation d'une autre arme eut été plus judicieuse.
En 1881, le Général de Galliffet écrivait déjà : " Dans la guerre moderne surtout, le combat de cavalerie est un incident (*), tandis que l'exploration et la sécurité sont des nécessités de tous les instants."
(*)incident : quelque chose d'exceptionnel, qui se passe rarement.

1) 1914-1918
        Si 33 ans plus tard en 1914, le concept de guerre moderne s'est encore amplifié, cette vérité n'est pourtant pas encore admise: Dans l'esprit de nombre de cavaliers, on s'attend à reprendre les hostilités dans l'état où l'armistice de 1870 les a laissées, c.-à-d. "jouer" la deuxième manche des combats de cavalerie entre cuirassiers français et uhlans prussiens tels qu'immortalisés dans les peintures comme le "Rezonville" d'Aimé Morot où le courage et l'honneur des cavaliers appellent à la revanche nationale. Sentiment accentué et entretenu par l'humiliation née de l'annexion par l'Allemagne de l'Alsace et de la Lorraine en 1870.
L'Empereur   L'année 1914 fera prendre conscience de ces changements et marquera le tournant le plus important dans cette évolution de la guerre à cheval. Si la cavalerie française est prête psychologiquement, tactiquement, elle ne l'est pas; Elle porte encore les pantalons garance alors que les uniformes anglais sont déjà de couleur neutre (les tentatives de 1912 pour faire adopter la tenue réséda ont échoué) ; L'armement est insuffisant, les dragons sont équipés de la lance, arme pouvant être très efficace mais uniquement dans certaines conditions.
        La mobilité étant un des avantages essentiels de la cavalerie, il importerait de diminuer au maximum la charge imposée au cheval. Au contraire, on recherche le meilleur moyen pour transporter un maximum de choses sur le cheval et ce, bien que l'on soit en terrain ami où le problème du ravitaillement se pose donc de façon moins accrue. Il faut également considérer les changements intervenus depuis un siècle dans l'évolution de la race chevaline : L'élevage s'est orienté vers des sujets rapides, plus élégants mais moins rustiques : Les moyennes kilométriques journalières réalisées en 1812 lors de la campagne de Russie avec le chaume des toits comme nourriture pour les chevaux ne sont plus réalisables sans exténuer les chevaux. ( N'oublions pas qu'un cheval ne se plaint jamais et qu'il ira jusqu'à l'épuisement complet si son cavalier n'y prend garde).
        Le résultat ne tarde pas à se faire sentir, les chevaux sont exténués et de plus, blessés par le harnachement. Le général Chambe alors sous-lieutenant au 20me Dragons relate bien cet état d'esprit dans son remarquable livre "Adieu Cavalerie" : Lorsque le commandant réclama un peu de repos pour faire boire les chevaux exténués, il lui fut répondu d'un ton sec : "Les chevaux boiront le soir à la halte, comme tout le monde." Ce que l'armée allemande n'avait même pas essayé de détruire, l'état-major français le détruira en quelques semaines. Au passage des chevaux, il règne une odeur nauséabonde due à leurs plaies.
L'Empereur   Il est vrai que l'état-major ne vit plus à cheval ni près des troupes. Napoléon disait : "Un général qui commande avec les yeux des autres ne sera jamais un bon général."
La tactique utilisée, est également d'un autre âge: On dissimule pendant des heures des unités de cavalerie dans le fond des vallons, ce qui était efficace au siècle précédent mais est devenu ridicule vis-à-vis de l'aviation ennemie. Dans les quelques cas où une unité ennemie surprise pourrait être assaillie avec succès, l'ordre d'attaquer ne vient pas. On ne peut invoquer la volonté de préserver la vie des hommes, vu qu'au Chemin des Dames, on gaspillera allègrement la vie des fantassins français (ou de préférence sénégalais), ce qui entraînera les mutineries de 1917.
        Napoléon disait : "La guerre de cavalerie est une affaire de lieutenant." Il entendait par-là des hommes jeunes, impétueux, capables d'apprécier la situation en un coup d'œil, possédant la fougue nécessaire à une exécution rapide et non des officiers ayant tout à perdre et plus rien à gagner.

Le Lt. de Gironde, archétype de l'officier de cavalerie. Quelques exploits de cavalerie ont bien lieu, telle cette attaque d'un aérodrome allemand par un escadron du 16me Dragons, mais là, fallait-il se sacrifier à cheval ? Et dire comme le lieutenant de Gironde qui commandait cette charge et dont on ne peut que saluer le courage: "J'ai le droit de crever dans ma selle ".

      Du côté allemand, l'état-major de Guillaume II, bien que doutant de l'efficacité de la cavalerie, l'utilise comme exploration (à la manière de hussards et non de cuirassiers) et comme rideau pour masquer sa manœuvre, ce qui dans ce cas porte ses fruits.
L'Empereur Lorsque les allemands voudront utiliser leur cavalerie pour percer, cette attaque se soldera par un échec : Le 12 août 1914 à Haelen en Belgique, la cavalerie belge, bien qu'inférieure en nombre de moitié met ses chevaux en arrière et utilise ses mitrailleuses et ses carabines Mauser à répétition. Par 3 fois, les 3 régiments de cavalerie allemands chargent à la lance et au sabre : Sans succès, ils ne parviennent pas à percer et sont même refoulés en fin de journée. Selon Guderian (L'homme des blindés allemands en 39-45), qui analysera les opérations militaires de 14-18 pour en tirer les conséquences, le chef responsable a respecté à la lettre le principe obsolète du règlement (également en vigueur en 1912 en France) :
     "L'attaque à cheval et à l'arme blanche qui, seule, donne des résultats rapides et décisifs est le mode d'action principal de la cavalerie." Or la cavalerie peut être (surtout) plus utile dans les reconnaissances que dans les combats directs.
     La cavalerie n'est pas la seule arme qui soit mal utilisée, les blindés et l'infanterie sont également gaspillés. Après quelques mois, la guerre de position s'installa et à partir de ce moment (seulement), la cavalerie devint inutile. 

2) 1939-1945
    A l'entrée en guerre, La Pologne compte principalement sur sa cavalerie. Celle-ci livrera un baroud d'honneur contre l'infanterie d'accompagnement des Panzerkorps (et non contre les chars comme on le croit habituellement) et sera rapidement anéantie. L'épisode de la "charge" des lanciers passant entre les chars allemands (filmé et diffusé par la propagande allemande) est en fait une manoeuvre de retraite, les tanks ne pouvant tirer sans s'atteindre les uns les autres.
L'Empereur Contrairement à la France qui essaie vainement d'adapter son armée à la guerre moderne en substituant des tanks aux chevaux, les Allemands créent une nouvelle arme : Les blindés. Les principes sont toujours ceux de la cavalerie lourde, mais ce que Ney n'a pu faire à Waterloo, soit percer la ligne adverse, Guderian le réalise grâce à la puissance de feu de ses blindés utilisés en masse sur un front restreint.
    La propagande allemande ne parlera que de ses armes modernes et de leurs succès, mais à côté de cela, une cavalerie traditionnelle est employée à bon escient dans la guerre contre les partisans (8e et 22e SS de sinistre mémoire sur les arrières du front russe)

En Roumanie, les régiments de cavalerie travailleront de manière efficace, les déplacements se font à cheval mais lorsque le combat se prépare, les chevaux sont emmenés à l'arrière par un cavalier désigné à cet effet  (le plutonier)  et ce n'est que lorsque la situation est devenue sure que ceux-ci rejoignent leurs cavaliers. Les pertes en chevaux (et en hommes) seront limitées ; il est vrai que certains cavaliers issus du monde paysan s'engagent dans la cavalerie en y apportant leur propre cheval, il en découle une relation privilégiée entre homme et cheval. Un proverbe de ces régiments de Calarashi exprime bien cette vision : « Pour devenir maître de ta liberté, apprends d'abord à être l'esclave de ton cheval. » (lire à ce sujet : Les cavaliers de l'Apocalypse de Ion V. Emilian)

    En Russie, l'armée, qui compte de nombreuses unités de cavalerie, peut les utiliser plusieurs fois de manière efficace. Devant Moscou en décembre 1941, alors que la température est de moins 40 degrés centigrades, que la région est couverte de neige et que les véhicules refusent de démarrer, les cavaliers du maréchal Joukov montés sur de petits chevaux robustes permettent la défense de la ville.
    Le 17 février 1944, 20.000 allemands sont enfermés dans la poche de Korsoum. Ayant perdu tout espoir d'être secourus, ils tentent de s'échapper. Un officier de cavalerie russe raconte : " Pendant 2 heures, nos tanks les pourchassèrent à travers la plaine, les écrasant par milliers. Rivalisant avec nos blindés, notre cavalerie allait les cueillir dans les ravins, où les chars avaient difficilement accès. Les tanks faisaient rarement usage de leurs canons, pour ne pas atteindre nos cavaliers : Ceux-ci hachaient les Allemands au sabre, faisant un massacre comme on n'en avait jamais vu. Le carnage ne cessa que faute de victimes." Cette synergie entre la cavalerie et une autre arme ne peut évidemment s'appliquer que dans des conditions très particulières de terrain et de visibilité.
L'Empereur En janvier 1945, les spahis français assureront le nettoyage du sud de la forêt noire et feront plus de 700 prisonniers en quelques jours. Leurs atouts : Ils opèrent dans une région montagneuse, difficile d'accès pour les blindés, des routes sont barrées ou minées, des ponts coupés, des torrents sont en crue, toutes circonstances qui privilégient l'usage du cheval. Et ceci, avec des troupes d'origine algérienne et marocaine où la culture équestre est traditionnelle et commandées par des officiers élevés dans les traditions de "LA" cavalerie.
     L'après-guerre consacre l'abandon de la cavalerie par l'armée. En France, le 7me Régiment de Spahis sera dissout en 1962. Si la Suisse ne supprime ses unités de combat à cheval qu'en 1973, c'est que ses chevaux militaires étaient également utilisés par les agriculteurs. ADIEU CAVALERIE !

3)  Aujourd'hui !
   Et puis, un matin de 1999, la radio m’apprend qu’en Yougoslavie, les militaires du Kosovo utilisent des chevaux pour leurs déplacements dans les montagnes !
Depuis, des cavaliers américains en contact avec l’armée US m’ont confirmé la présence de cavaliers armés dans les guerres contre l’ex-Union Soviétique, au Nicaragua, en Rhodésie et en Afghanistan ainsi que dans d’autres points chauds du monde. Et malgré la modernité des armes actuelles, c’est toujours sur les mêmes petits chevaux de leurs ancêtres que les guerriers afghans parcourent le pays. Et en 2011, un courriel m'apprend l'existence de 400 chevaux dans l'armée suisse!

Alors, ADIEU CAVALERIE ? Ou simplement AU REVOIR ?

Ceux qui s'intéressent aux chevaux de la cavalerie liront avec intérêt «L'histoire du cheval de troupe de la cavalerie française de 1515 à 1918, par le Colonel Denis Bogros.»: celui-ci y relate entre autres, les incohérences relatives au choix des chevaux destinés à l'armée.
A lire également: La cavalerie pendant la 1ère guerre mondiale 1914 – 1918 ( bretagne-equitation.com/data/article_fichier/246.pdf )


Armée belge vers 1926.
Contrairement au siècle précédent, les cavaliers ne se font plus photographier avec leurs armes. Si l'allure est toujours martiale, l'uniforme est devenu fonctionnel, plus de casque à crinière, plus de lance. C'est l'homme que l'on représente, non le guerrier.
Victor Bourlier, père de l'auteur.DEPASSE Victor, grand-père de Claude Depasse (notre Trompette) vers 1925-1928. Henry Stienlet (grand-père de Thierry Blyckaerts et futur président de la Fédération Motocycliste de Belgique) à Aix la chapelle le 8-3-1922
En cherchant quelque peu, nous avons découvert que le virus de la cavalerie était héréditaire chez certains. (Ci-dessus les aïeux de 3 de nos dragons)

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